Anti-manuel du faire commun

A

ACTION COLLECTIVE

« Action entreprise par un groupe (soit directement, soit en son nom au travers d’une organisation) en faveur des intérêts partagés et perçus de ses membres (Scott et Marshall, 2009). Les théories de l’action collective se réfèrent au partage des coûts et des avantages de l’action collective pour gérer des biens publics ou collectifs[1]. ». Le concept d’action collective que nous utilisons s’inscrit dans la théorie développée par Elinor Ostrom en opposition aux thèses qui postulent que les individus ne voient que leurs intérêts particuliers de court terme et sont incapables de prendre des décisions d’intérêt collectif ou de long terme, nécessitant de ce fait des solutions imposées de l’extérieur, via l’État ou la privatisation. Ostrom a démontré que les individus, par leur action collective, sont capables de résoudre les problèmes fondamentaux de l’organisation collective sans solution imposée par un acteur extérieur, en créant une institution commune, l’engagement à suivre les règles et la surveillance mutuelle, c’est-à-dire en créant un commun[2]. L’action collective créant le commun est aussi qualifiée de commoning ou de « faire commun ». Créer les conditions de l’action collective est une dimension centrale de l’approche par les communs.

[1] Antona M., Bousquet F. (2017), p. 125

[2] Ostrom E. (1990)

ACTION COMMUNAUTAIRE

« L’action communautaire est définie par Lamoureux et al. comme “toute initiative issue de personnes, de groupes communautaires, d’une communauté (géographique locale, régionale, nationale ; d’intérêts; d’identités) visant à apporter une solution collective et solidaire à un problème social ou à un besoin commun” (2002 : 4)[1]. » En Haïti, les associations de quartier agissant dans le cadre de l’aide au développement évoluent dans un contexte de contraintes majeures et d’opportunités déterminées, notamment celles des financements de l’aide internationale de laquelle elles deviennent facilement dépendantes[2]. Accompagner l’action communautaire impliquerait alors une « logique de renforcement organisationnel et de conscientisation qui amènerait les membres à l’acquisition d’une conscience critique pouvant les aider à reconnaître les facteurs de discrimination et d’exploitation, et donc à leur donner une capacité de mener des actions collectives de revendication et de défense des droits sociaux, économiques et politiques des communautés locales[3] ». C’est dans ce sens que le Gret développe la maîtrise d’ouvrage communautaire

[1] Casséus T., Payen F. (2018), p. 72.

[2] Casséus T., Payen F. (2018).

[3] Casséus T., Payen F. (2018), p. 80.

APPROCHE PAR LES COMMUNS

Façon de réfléchir et de conduire une intervention d’aide au développement lorsque que celle-ci souhaite faciliter la construction de gouvernances partagées « en communs ». Une approche par les communs affirme une intention politique de justice sociale et environnementale, mobilise les cadres conceptuels des communs mais aussi de l’économie sociale et solidaire ou de l’éducation populaire, et fait appel à des méthodes de facilitation.

B

BRICOLAGE INSTITUTIONNEL

Concept permettant de questionner la vision bureaucratique et linéaire des projets de développement souhaitant agir en faveur d’institutions solides et durables. Le bricolage institutionnel désigne un processus par lequel les gens, consciemment et inconsciemment, façonnent ou refaçonnent des arrangements institutionnels, en s’appuyant sur tous les matériaux institutionnels disponibles, quel que soit leur objectif initial. Dans ce processus, d’anciens arrangements sont modifiés et de nouveaux inventés. Des composants institutionnels d’origines différentes sont continuellement réutilisés, retravaillés ou remodelés pour remplir de nouvelles fonctions. Appliqué à la gestion des ressources naturelles de propriété commune, le bricolage institutionnel renvoie à la manière dont les acteurs locaux, par des interactions imprévues et des « arrangements sociaux et culturels », façonnent des institutions dynamiques, adaptatives, dont la nature n’est pas figée[1].

BOUCLE D’APPRENTISSAGE

Concept utile pour penser l’accompagnement d’un processus continu d’apprentissage collectif qui caractérise une dynamique de commun. Conduit dans une démarche empirique d’essai-erreur, le processus d’apprentissage peut être décrit comme une succession de « boucles d’apprentissage » permettant à l’ensemble des acteurs concernés de poser un diagnostic partagé, puis de formuler, de mener et d’évaluer des expérimentations, et enfin de tirer des conclusions et de prendre des décisions sur des enjeux de gouvernance ou des aspects techniques liés au commun. Chaque boucle portant sur un aspect spécifique alimente la suivante, constituant ainsi une spirale d’apprentissage[2].

[1] . Cleaver F., De Koning J. (2015).

[2] Melki S., Kibler J.-F. (2016). 5. Aubert S., Botta A. (2022).

C

CHAMPIONS

Concept mobilisé notamment par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans ses recommandations pour améliorer la gouvernance des aires protégées. Les « champions » sont des personnes directement concernées, identifiées pour leur volonté de s’investir, pour la conscience qu’elles ont des phénomènes en jeu, pour leurs idées, leur enthousiasme et leur capacité à inspirer les autres acteurs. Favoriser l’émergence de champions et les accompagner peut ainsi contribuer à une dynamique de réappropriation citoyenne de la gouvernance des ressources communes[1].

[1] Borrini-Feyerabend G. et al. (2014).

CO-CONSTRUCTION DE POLITIQUE PUBLIQUE

Le concept de co-construction renvoie à la conception démocratique des politiques publiques en sociologie et en sciences politiques, défini par Madeleine Akrich comme « l’existence d’une pluralité d’acteurs impliqués dans la production d’une politique, d’un projet, d’une catégorie, d’un dispositif technique ou de connaissances[1]». Yves Vaillancourt, dans ses différentes publications (2016 et 2019), précise cette définition en spécifiant « la participation des acteurs de la société civile et de l’organisation du travail à l’élaboration et/ou à la définition des politiques, dans sa dimension institutionnelle[2] ». Il précise que ce concept fait référence à « un processus de codécision[3] », à la fois comme « dialogue, délibération, négociation et lutte pour le partage du pouvoir[4]» et qu’ainsi, « les parties prenantes délibèrent, ensemble et avec les décideurs, pour construire un compromis et une politique visant l’intérêt général[5] ». Ce processus n’a pas vocation à mettre de côté les possibles dissensus : « la délibération permet de rencontrer les conflits à partir du dialogue[6] » ; il a pour but de « favoriser l’élargissement des formes de gouvernance en incluant des acteurs socioéconomiques et sociopolitiques souvent exclus ou peu écoutés[7] »

[1] Akrich M. (2013), https://www.dicopart.fr/co-construction-2013.

[2] Vaillancourt Y. (2019), p. 37.

[3] Vaillancourt Y. (2016), p. 17.

[4] Vaillancourt Y. (2016), p. 17.

[5] Vaillancourt Y. (2019), p. 41.

[6] Chavez Teixeira A.C., Albuquerque M.d.C. (2006), cité dans Vaillancourt, 2016, p. 12.

[7] Vaillancourt Y. (2016), p. 12.

COGESTION DES RESSOURCES NATURELLES

 « La gestion des ressources naturelles doit relever deux grands défis. L’un consiste à répondre convenablement aux caractéristiques écologiques d’un environnement donné, en préservant son intégrité et ses fonctions, tout en garantissant qu’en découle un certain flux de bénéfices. Ce défi porte principalement sur le contenu – les paramètres relatifs au “quoi” et au “quand” de la gestion. Le second défi consiste à répondre aux caractéristiques sociales du même environnement, en traitant de façon efficace les intérêts et les préoccupations, inévitablement conflictuels, des différents acteurs sociaux concernés. Ce défi porte principalement sur les processus – les paramètres relatifs au “qui” et au “comment” de la gestion, que l’on décrit aujourd’hui par le mot “gouvernance”. […] On nomme ces solutions de collaboration “cogestion” quand on se réfère principalement à leurs “quoi” et “quand” et on les nomme “gouvernance partagée” quand on se réfère principalement à leur “qui” et “comment”[1]. »

[1] Borrini-Feyerabend G. et al. (2009), p. 66.

COMMONER

Acteur social, individuel ou institutionnel qui, en tant que partie prenante d’un commun, s’engage à la fois dans l’apprentissage pratique du faire commun (commoning) ainsi que dans la construction d’une gouvernance partagée visant la préservation des milieux de vie et la justice sociale et environnementale.

COMMONING

Voir « Faire commun ».. 

COMMUN

Dynamique d’organisation sociale dans laquelle un ensemble d’acteurs, interdépendants et directement concernés par un enjeu commun, décide de s’engager dans une action collective pour construire une gouvernance partagée. Celle-ci définit et met en oeuvre, dans le cadre d’un processus d’apprentissage collectif continu, des règles d’accès et d’usage jugées équitables, qui garantissent la durabilité sociale, économique et environnementale de l’objet du commun (une ressource, un service ou un territoire par exemple).

COMMUN NÉGATIF

La notion de « commun négatif » a été développée par Maria Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen en 2001 (cité dans Monnin A. 2021) pour repenser la manière de gérer les effets négatifs produits par nos modèles fondés sur la propriété et l’intérêt privé, détachés du cycle plus global de reproduction de la vie. Elle invite à considérer les ressources dites « négatives » (déchets, centrale nucléaire, etc.) comme des biens communs négatifs dont il s’agit, à défaut de pouvoir en faire table rase, de prendre soin en se saisissant collectivement et politiquement des enjeux qu’ils recouvrent. À gérer comme des communs[1].

[1] Monnin A. (2021)

COPRODUCTION DE SERVICE PUBLIC

 Selon Elinor Ostrom, « la coproduction implique que les citoyens puissent jouer un rôle actif dans la production des biens et services publics qui les concernent[1] ». La coproduction s’intéresse tant aux relations de pouvoir entre différents acteurs qu’au processus par lequel les citoyens ou usagers, en se mobilisant, peuvent influer sur la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques. Ils ont avant tout un rôle de contrôle du processus de prise de décision sur tous les aspects du service, incluant la formulation, la planification, la gestion, la mise en œuvre, le financement et l’apprentissage[2]. « La coproduction se comprend donc comme une production réalisée en commun [3]». Le concept de « coproduction de service public » diffère de celui de « co-construction de politique publique » qui renvoie quant à lui à un « processus de codécision[4] » intervenant dès l’élaboration d’une politique publique, grâce à des formes de gouvernance hybrides.

[1] Ostrom E. (1996), cité dans Carmouze L. (2022), p. 221-223.

[2] Mitlin B. (2018).

[3] Carmouze L. (2022), p. 221-223.

[4] Vaillancourt Y. (2016), p. 17.

D

DÉMOCRATIE LOCALE

 Luigi Bobbio[1] constate que, dans sa dimension participative,la démocratie apparaît comme une « démocratie forte[2] », qui s’oppose à la forme de démocratie issue du « canon libéral-démocratique[3] ». Le terme « locale » renvoie au territoire, et donc à ceux qui en font partie ou contribuent à le façonner. Parler de « démocratie locale » en matière d’élaboration de politiques de l’eau, par exemple, signifie reconnaître aux acteurs du territoire un droit de contribuer aux décisions en matière de gestion des ressources en eau du territoire. Le changement évoqué renvoie à une (re)politisation de la gestion des ressources en eau et conduit alors à s’interroger sur les acteurs qui pourraient souhaiter impulser, porter ou accompagner de tels processus politiques, et sur les modalités de leur coordination.

[1] Bobbio L. (2013).

[2] Barber B.R. (1997), cité dans Bobbio L. (2013).

[3]De Sousa Santo B. (2005), cité dans Bobbio L. (2013).

DILEMME SOCIAL

 « Un dilemme social est une situation où un comportement individuel répondant à des intérêts particuliers devient désastreux lorsqu’il est reproduit à l’échelle du groupe. Un dilemme de premier ordre porte sur le partage de la ressource, un dilemme de second ordre concerne le respect ou non des règles mises en place pour résoudre le dilemme de premier ordre[1]. » Ce conflit entre intérêts particuliers/de court terme et intérêt collectif/de long terme est particulièrement présent dans le cas de l’usage de ressources en accès partagé. Ces dernières sont à la fois non excluables (il est très difficile d’exclure des usagers potentiels de ces ressources) et rivales (ce qu’un usager retire de ces ressources n’est plus disponible pour les autres). Sans résolution de ce dilemme, la durabilité de la ressource et la justice sociale sont menacées.

[1] Antona M., Bousquet F. (2017), p. 126.

E

EMPOWERMENT

Processus d’apprentissage individuel et collectif par lequel les populations acquièrent, dans la pratique, du pouvoir de dire, d’agir, d’être reconnu, et de prendre des décisions sur ce qui impacte leurs vies et la société dans laquelle ils vivent. Le concept d’empowerment articule deux dimensions : « celle du pouvoir, qui constitue la racine du mot, et celle du processus d’apprentissage pour y accéder[1]».  Il peut désigner ainsi autant un état qu’un processus […] à la fois individuels, collectifs et sociaux ou politiques […] impliquant une démarche d’autoréalisation et d’émancipation des individus, de reconnaissance de groupes ou de communautés et de transformation sociale[2] » (p. 6) » (Bacqué & Biewener, 2013).

[1] Bacqué M.-H., Biewener C. (2013a), p. 25.

[2] Bacqué M.-H., Biewener C. (2013a), p. 6.

F

FACILITATION

 La facilitation consiste à créer les conditions de la coopération entre différents acteurs, créer les conditions de l’action collective, créer les conditions de l’apprentissage collectif. Le facilitateur aide le collectif à prendre conscience de ses besoins et à trouver ses propres solutions. Dans le cadre de l’approche par les communs, dès lors qu’une intention politique de l’intervention d’aide est précisée, le facilitateur n’est pas neutre mais au contraire « engagé » pour plus de justice sociale, environnementale et de résilience.

FAIRE COMMUN

« Le “faire commun”, ou commoning (Bollier et al., 2014 ; Coriat, 2020), est le processus qui conduit des individus à se mobiliser pour mettre en partage des savoirs, des expériences, des moyens humains, techniques ou financiers, en vue de la réalisation d’un intérêt commun et approprié. Il est l’essence de l’action collective[1]. »

[1] Aubert S., Botta A. (2022), p. 240.

G

GESTION INTÉGRÉE DES RESSOURCES EN EAU

Apparu dans le domaine du droit international lors de la conférence internationale sur l’eau et l’environnement de 1992 (conférence de Dublin), le concept de GIRE s’inscrit dans une dynamique de développement durable et invite à une vision plus holistique de la gestion de l’eau. Elle est définie par le Partenariat mondial de l’eau comme « un processus qui favorise le développement et la gestion coordonnés de l’eau, des terres et des ressources connexes, en vue de maximiser, de manière équitable, le bien-être économique et social en résultant, sans pour autant compromettre la pérennité d’écosystèmes vitaux[1] ».

[1] . GWP (2000), p. 24

GOUVERNANCE

 Processus par lequel est créé un répertoire de règles, de normes et de stratégies qui guide le comportement des acteurs dans un domaine donné d’interactions politiques[1]. Un système de gouvernance englobe tant les acteurs et les institutions que les normes mobilisées formelles et informelles, ou que les pratiques d’élaboration de règles, leur mise en œuvre et leur contrôle. Ces règles peuvent être objet de consensus ou de mise en concurrence entre les acteurs. De façon prescriptive, la gouvernance se réfère au pouvoir de décider de règles et aux différents registres d’autorité sur lesquels elles reposent.

[1] McGinnis M.D. (2011).

GOUVERNANCE PARTAGÉE.

Modèle d’action publique qui postule que chacun des acteurs concernés, notamment les citoyens, mais aussi les secteurs public et privé, exerce un pouvoir réel dans les prises de décision et le contrôle de leur application. Nous pouvons la qualifier de gouvernance partagée « en communs » lorsque la gouvernance est construite et constamment améliorée dans une dynamique sociale de commun, notamment d’action collective et d’apprentissage collectif. Le qualificatif « en communs » souligne le caractère dynamique et évolutif de ce type de gouvernance.

I

INSTITUTION 

Les institutions regroupent à la fois les organisations et les règles, les modes de faire et d’être, mais également les structures de pensée, concepts et paradigmes générés et utilisés pour structurer les modes d’interaction au sein de ces organisations dans le but d’influer sur les décisions individuelles et collectives. Pour Ostrom, « le terme “institution” n’est pas […] synonyme d’organisation. Le terme signifie “un ensemble de règles réellement mises en pratique par un ensemble d’individus pour organiser des activités répétitives qui ont des effets sur ces individus, et éventuellement sur d’autres”[1] ».

[1] Ostrom E. (2009), p. 9.

JUSTICE ÉCOLOGIQUE

La justice écologique renvoie à un processus pour co-construire, entre humains et non-humains, une « éthique du vivre ensemble » au sein d’une « communauté de destin » qui lie moralement tout humain avec son environnement[1] . Ce processus, et les principes moraux qu’il sous-tend, doivent être localement situés : « Compte tenu de la diversité des intérêts en présence, cette perspective conduit les individus, les collectifs et les institutions à interagir pour apprécier explicitement ce qui est “juste”. Cette appréciation repose sur des principes moraux qui peuvent être différents en fonction des cultures ou des échelles considérées. C’est pourquoi ces principes doivent être discutés, reformulés et réaffirmés au cas par cas pour légitimer, définir et encadrer les actions à initier ou à soutenir simultanément à différentes échelles territoriales[2] ».

[1] Mathevet R. et al. (2010).

[2] Aubert S., Botta A. (2022), p. 242.

JUSTICE ENVIRONNEMENTALE

Dans une situation de justice environnementale, les individus ou les groupes ont la liberté de se soustraire à un impact environnemental auquel ils sont confrontés, mais aussi de tirer des bénéfices des interactions avec leur environnement. Cette notion s’inscrit dans une conception « écocentrée de l’environnement[1] », c’est-à-dire un rapport de l’humain à la « nature » toujours extérieur, même si cela s’inscrit dans la dénonciation de sa destruction. Certains chercheurs ont tenté de qualifier différentes formes d’oppression environnementale pour définir des injustices environnementales[2], alors que Joan Martinez Alier a formulé la notion de « conflits écologico-distributifs », définie comme « les protestations collectives contre les injustices environnementales qui portent sur les conditions de vie, l’accès aux ressources naturelles et la répartition de la pollution. […] Ils se superposent à d’autres conflits sociaux axés sur des questions de classe, d’ethnicité, ou d’identité autochtone, de genre, de caste ou de droits territoriaux[3]. » La notion de justice environnementale étant centrée sur les situations vécues par les humains, et moins sur les milieux de vie et les écosystèmes, il est utile de s’intéresser de manière complémentaire à la notion de justice écologique.

[1] Blanchon D. et al. (2009).

[2] Ibid.

[3] Martinez Alier J. (2022), p. 325.

JUSTICE SOCIALE

La notion de justice sociale est un jugement collectif et éthique propre à chaque contexte, posé par les parties prenantes dans le cadre de délibérations démocratiques sur ce qu’ils estiment être juste ou non. Cette acception de la justice sociale repose sur le postulat que toute personne est raisonnable et responsable, libre de définir ses propres objectifs de vie, et dotée du pouvoir d’agir sur son environnement, dans le sens de son bien-être personnel, mais aussi au-delà, par compassion (c’est-à-dire avec le souci des autres) ou par engagement (en se fixant des objectifs qui n’aillent pas nécessairement dans le sens de son bien-être). Ainsi, tout ce qui contribue à accroître la liberté de choix et la capacité d’agir des personnes, individuellement et collectivement, contribue à la justice sociale. C’est par exemple le cas des conventions internationales et des lois nationales qui ont pour but de garantir les droits humains, de l’éducation… et aussi des initiatives visant à appuyer des dynamiques de communs. Concrètement, dans la pratique, on observe qu’il est souvent plus facile de repérer collectivement ce qui est injuste que de définir ce qui est juste. Cette conception de la justice sociale, située dans son contexte et pragmatique, s’apparente à « l’idée de justice » développée par l’économiste indien Amartya Sen[1].

[1] Sen A. (2010).

M

MAÎTRISE D’OUVRAGE COMMUNAUTAIRE

Elle consiste à transmettre aux organisations de la société civile locales (OSC) les outils et les compétences liées à la gestion de petits projets de développement. En Haïti, les projets mis en œuvre sous maîtrise d’ouvrage communautaire concernent des micro-aménagements permettant d’améliorer significativement la vie quotidienne des habitants. Ils sont portés et mis en œuvre par des OSC qui jouent le rôle d’interface entre le dispositif « projet », souvent porté par une ONG internationale, et la communauté d’usagers ou de futurs usagers qu’elles représentent. L’OSC est entièrement responsable de son projet et reçoit pour cela un accompagnement à toutes les étapes.

MATURITE DES COMMUNS 

Le GRET conçoit trois catégories de communs différents :

  1. la ressource en tant que commun (nommé aussi “commun de ressource”),
  2. le service en tant que commun (ou “commun de service”)
  3. le territoire en tant que commun.

Ces trois catégories de commun identifiées par le GRET peuvent être vues comme trois degrés de maturité d’un commun : on entre toujours par une ressource, autour de laquelle les utilisateurs se structurent pour petit à petit structurer un service (une émergence) et, quand plusieurs réseaux de communs se croisent sur un même territoire, on commence à identifier ce territoire comme un commun.
Dans le contexte de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau au Sénégal (GIRE), on peut donc considérer l’eau comme une “ressource en tant que commun” pour les agriculteurs des cuvettes maraîchères des Niayes. Ces maraîchers ont les mêmes usages de cette eau et partagent donc des connaissances et une empathie vis-à-vis de cet usage qui leur est commun. Ils pourront à priori plus facilement mettre en place des règles concertées de gestion de l’eau basées sur leurs pratiques partagées et communes.
Mais, en fonction de la ressource, plusieurs usages peuvent être concurrents : l’usage des maraîchers n’est par exemple pas le même que celui des éleveurs. On considère alors que l’on est face à un commun de service quand plusieurs usages sont pris en compte par un collectif : si les maraîchers et les éleveurs sont amenés à trouver des règles concertées, alors l’eau, jusqu’à présent ressource en tant que commun, se transformera en eau “service en tant que commun”. De nouveaux attributs viennent enrichir ce commun pour permettre à chaque usager de mieux percevoir les besoins des autres. C’est la qualité de service (par exemple une eau disponible de façon continue, en quantité suffisante et potable), qui peut être elle aussi négociée entre les différents usagers.
Enfin, lorsque des réseaux de solidarité se multiplient et se superposent sur le territoire, on considère alors le “territoire en tant que commun”. Pour continuer sur notre exemple, les maraîchers investissent généralement les bénéfices de leur activité dans du bétail qui est alors confié aux éleveurs. Un second réseau se matérialise dans le premier. Le troupeau devient peu à peu une ressource en tant que commun, et le territoire se constelle de réseaux de solidarité et devient alors un commun. Le territoire en tant que commun est perçu par les acteurs, maraîchers et éleveurs, qui vont alors prendre soin de ces réseaux de solidarité. La multiplication des réseaux confère au système une plus grande résilience. Les chocs sont alors plus facilement absorbés.
Si le commun peut évoluer de la ressource vers le territoire, un commun mature peut en revanche régresser, par exemple en cas de crise ou de conflit. On peut alors considérer comme possible le glissement d’un commun de service à un commun de ressource.

P

PERSONNES-FRONTIÈRE

Accompagner la construction de communs sur un territoire implique de s’intéresser aux postures et interdépendances des différentes parties prenantes (citoyens, usagers, acteurs publics, opérateurs privés, etc.). Les « personnes-frontières » sont des acteurs clés qui ont le pouvoir de « parler à plusieurs mondes, de décloisonner et de traduire ». Elles jouent un rôle d’intermédiation et de facilitation entre différents types d’acteurs ayant des usages, des intérêts et des compréhensions différentes de l’enjeu de commun[1].

[1] Intervention de Geneviève Fontaine lors du séminaire de lancement du programme Communs et collectivités locales de la Coop des communs, à la Caisse des dépôts et consignations, le 3 décembre 2021.

PORTEURS DE COMMUN

« Les porteurs de communs sont des personnes physiques impliquées dans une action collective sur le territoire ». Dans le cadre d’un projet de développement mené avec une approche par les communs, ils sont identifiés au moment de la caractérisation de la « situation d’action » et deviennent des interlocuteurs privilégiés. Qu’ils soient issus du domaine public, privé, académique, de l’autorité coutumière ou de la société civile, faire appel à leur expérience permet de « construire sur l’existant et de mobiliser au mieux les solidarités écologiques et sociales existantes[1] ».

[1] Aubert S. et al. (2020), p. 17.

S 

SITUATION D’ACTION

Espace social dans lequel des acteurs observent des informations, sélectionnent des actions, s’engagent dans des modèles d’interaction et obtiennent des résultats de leur interaction. Boîte noire où les choix politiques sont faits[1].

[1] McGinnis M.D. (2011).

SUBSIDIARITÉ

La notion de « subsidiarité », d’après Ostrom, est intéressante pour appréhender la complémentarité des différents échelons territoriaux. Le principe est que chaque acteur, à son échelle, doit seulement faire et décider ce qui lui incombe. En d’autres termes, que ne soit pas fait à un niveau plus élevé ce qui peut être réalisé à un niveau plus bas avec la même efficacité, et que chacun reconnaisse le rôle que chaque niveau a à jouer[1]. Lorsque chaque acteur a le même pouvoir de décision que les autres, on parle alors de « subsidiarité horizontale ».

[1] Ostrom E. (1990).

SUBSIDIARITÉ HORIZONTALE

La subsidiarité horizontale pose la règle selon laquelle l’administration publique privilégie l’initiative autonome des citoyens dans l’exercice d’activités d’intérêt général lorsque celle-ci existe. Ainsi, les citoyens peuvent s’organiser pour s’occuper directement des espaces et services d’intérêt commun, en lieu et place des institutions, tout en garantissant que ces dernières appuient activement ces pratiques de mises en communs, protègent l’intérêt général et jouent le rôle de garant en dernier ressort[1]. » Ce principe de subsidiarité horizontale a été intégré dans la constitution italienne en 2001.

[1] Société des communs (s.d.), p. 9.

SUIVI  RÉFLEXIF

Les mécanismes de suivi réflexif permettent aux commoners de suivre l’évolution de la ressource, du service ou du territoire dont ils prennent soin ensemble dans le cadre d’une gouvernance partagée. À la différence du suiviévaluation d’un projet, conçu et mis en œuvre par l’opérateur de développement, le suivi réflexif du commun est conçu et mis en œuvre par les commoners pour les commoners. La collecte régulière d’informations sur leur objet de commun permet aux commoners de refléter (comme un miroir) l’effectivité et l’impact de leurs actions et des règles adoptées sur la pérennité de celui-ci, ainsi que sur l’équité de ses usages. La mise en débat de ces informations permet aux commoners de réfléchir aux améliorations à fournir dans leurs modes d’action, de régulation et de gouvernance pour atteindre leurs objectifs de justice sociale et environnementale. Le suivi réflexif est un élément clé de la dynamique d’apprentissage continu du commun, dont il constitue à ce titre un indicateur de bonne santé.