Anti-manuel du faire commun

Ce chapitre présente les liens étroits qui relient les communs à la solidarité internationale, aujourd’hui en profonde mutation. Il présente un cadre théorique et politique des communs, comme “champ d’investigation scientifique” (Baron, Petit et Romagny, 2011) ayant pris racine dans l’aide au développement des années 1980. Les communs portent aujourd’hui de nouveaux récits face aux urgences sociales et écologiques. Ils émergent comme une proposition à la fois alternative aux modèles de société historiquement promus par les politiques d’aide au développement, et contributive aux manières de faire du développement.

Plus de 40 ans d’histoire partagée

Les communs dans l’aide au développement depuis les années 1980

Les communs  existaient bien avant qu’on ne sache les nommer. Quant à leur conceptualisation, elle remonte à l’époque antique. La notion de “bien commun” telle que définie par Aristote comme critère de droiture politique (Sère, 2010) laisse déjà suggérer son potentiel transformatif. Aujourd’hui encore, le concept de communs offre un puissant référentiel d’organisation sociale. Il est mobilisé de manière croissante pour désigner des modalités d’organisation autour de choses communes matérielles ou immatérielles, de la gestion collective d’un cours d’eau à la communauté Wikipédia.

La notion de communs ne nous évoque pas spontanément le secteur de l’aide publique au développement. Pourtant, sa renaissance dans les années 1980 avec les travaux de l’économiste et politologue Elinor Ostrom est intimement liée au monde de l’aide. Son fameux ouvrage “Governing the commons” (1990) fait suite à un programme de recherche commandé par l’USAID, dans la continuité de travaux engagés par plusieurs acteurs de l’aide publique au développement états-uniennes suite aux premiers constats d’échecs de ces politiques dans les pays des Suds (Locher, 2018 [1] ; Coriat, 2013 [2]).

Elinor Ostrom a appréhendé un commun comme une ressource naturelle en accès partagé sur laquelle une communauté d’ayant droits s’organisent pour en définir et conduire la gouvernance. Ses travaux viennent compléter la recherche économique sur les types de biens (public, privé, de club) en remettant en cause la vision de Garett Hardin selon laquelle une ressource en accès partagé mène forcément à sa surexploitation (Lavigne Delville, 2023 [3]). Les recherches sur de nombreux communs existants dans le monde l’ont conduite à développer un certain nombre d’outils et de concepts pour les analyser : le cadre d’analyse et de développement institutionnel (AID), les faisceaux de droits (accès, prélèvement, gestion, exclusion, aliénation), les arènes d’action ; les différentes catégories de règles (les règles opérationnelles ; les règles de choix collectifs ; les règles de choix constitutionnel).

Ostrom et l’équipe de chercheurs qui l’accompagne en ont tiré huit principes (« design principles ») : des caractéristiques récurrentes observées dans des dynamiques de communs fonctionnelles et robustes dans le temps [4]. Celle-ci part du constat que ces dynamiques sont efficientes lorsqu’elles répondent à un dilemme social [5]. Si ses recherches plus récentes montrent une réalité plus complexe que les huit critères décrits ici, ces derniers constituent cependant un point de départ pour qualifier des organisations de « commun »

Les huit principes de conception d’Ostrom

  1. Une définition claire des limites de la ressource et de la communauté
  2. Des règles adaptées aux conditions locales
  3. Une participation de la plupart des individus concernés par les règles opérationnelles à l’arène des choix collectifs
  4. Une surveillance du respect des règles opérationnelles par les appropriateurs (2)  eux-mêmes
  5. Un ensemble de sanctions graduelles
  6. Des mécanismes de résolution des conflits accessibles (au sens aussi de peu coûteux)
  7. Une reconnaissance minimale des droits d’organisation de la communauté par les autorités extérieures
  8. Une gouvernance polycentrique et multi-niveau pour les ressources imbriquées dans des ensembles plus vastes

 

Depuis, le cadre conceptuel des communs est mobilisé de manière croissante dans le cadre de l’aide publique au développement française.

 

[1] Locher, F. Historicizing Elinor Ostrom: Urban Politics, International Development and Expertise in the U.S. Context (1970-1990). Theoretical Inquiries in Law 2018, 19 (2), 533–558. https://doi.org/10.1515/til-2018-0027.

[2] Coriat, B. Le retour des communs. Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs 2013, No. 14. https://doi.org/10.4000/regulation.10463.

[3]  Lavigne  Delville, P.; Ancey, V.; Fache, É. Communs et gouvernance     des ressources en accès partagé. In Le foncier rural dans les pays du Sud : Enjeux et clés d’analyse; Colin, J.-P., Léonard, É., Lavigne Delville, P., Chauveau, J.-P., Eds.; Objectifs Suds; IRD Éditions: Marseille, 2023; pp 177–256. https://doi.org/10.4000/books.irdeditions.45593.

[4]  “A set of seven design principles appears to characterize most of the robust user-organized systems. An eighth principle characterizes the larger, more complex cases. A ʻdesign principle’ is defined as a conception used consciously or unconsciously by those constituting and reconstituting a continuing association of individuals about a general organizing principle” (Ostrom E., 1999, p. 1).

[5] Voir glossaire.

Réactualisation des communs dans les années 2010

Dès les années 2010, le Cirad et le Comité technique Foncier et Développement avaient aussi investi le champ des communs. Ils en ont partagé un grand nombre d’illustrations, tiré des apprentissages opérationnels. Les communs ont émergé comme un prisme pour analyser des dynamiques sociales et écologiques complexes, et réfléchir à la manière d’accompagner de telles dynamiques dans l’aide au développement[1]. La notion d’approche par les communs a été progressivement mobilisée comme une proposition pour “construire un nouveau récit pour la coopération internationale[2]”.

L’Agence Française de Développement (AFD) s’est également saisie des communs comme axe de communication et de réflexion transversale à partir de 2015, avec l’arrivée de l’économiste Gaël Giraud. En 2020, les communs deviennent une question transversale qu’il s’agit d’opérationnaliser. Ils permettent notamment d’éclairer des dynamiques sociales peu prises en compte dans les politiques d’aide. L’ouvrage réalisé avec la Banque mondiale “L’Afrique en communs : tensions, mutations, perspectives” publié en 2023 dans la collection Afrique et Développement partage par exemple une grande diversité d’illustrations de ce que seraient des communs africains, tout en partageant ses apprentissages sur le potentiel d’une approche par les communs pour l’aide publique au développement. L’ouvrage témoigne en même temps de l’appropriation des communs par des acteurs comme la Banque Mondiale.

[1] AUBERT Sigrid, D’AQUINO Patrick, BOUSQUET François, ANTONA Martine, TOULMIN Camilla (dir.), L’approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte : illustration par six études de cas, Regards sur le foncier no 6, Comité technique « Foncier & développement », AFD, MEAE, Paris, octobre 2019.

[2] Aubert S., Botta A. (coord.), 2022. Les communs. Un autre récit pour la coopération territoriale. Versailles, éditions Quæ, 272 p.

Les communs en réponse à un modèle de développement en crise

Le mouvement des communs en recherche d’alternatives

Il est difficile de présenter séparément les “courants” (en sciences sociales) des “mouvements” (expériences concrètes émanant de la société civile ou des acteurs publics) des communs, les deux se nourrissant mutuellement et partageant souvent une intention politique forte.

En sciences sociales, le concept de « communs » est encore aujourd’hui largement débattu.  Plusieurs chercheurs ont montré les limites de l’analyse ostromienne, notamment dans ses fondements théoriques (entre autres la rationalité économique) (Baron C. et al., 2011, Chanteau et Labrousse, 2013, Harribey, 2011). D’autres courants se sont saisis des communs dans une visée politique et transformative. C’est le cas des courants de pensée autour du Commun comme “principe politique”, développé par Pierre Dardot et Christian Laval dans leur livre “Commun : Essai sur la révolution au XXIe siècle” (2015) ou encore David Bollier et Silke Helfrich avec leur livre “Le pouvoir subversif des communs” (2022). D’autres inspirations sont issues de courant sur l’économie sociale et solidaire (Hervé Defalvard, Pierre Thomé) ou encore sur la justice sociale et écologique (Amartya Sen, Geneviève Fontaine).

En parallèle, aux quatre coins du monde, des initiatives se multiplient pour prendre soin des ressources communes, protéger le vivant et préserver les liens sociaux. Les citoyens s’organisent par exemple pour produire et faire circuler des connaissances sur les écosystèmes, entretenir des solidarités locales et expérimenter de nouvelles modalités d’action sur les territoires. Bien qu’ils agissent parfois aux côtés des collectivités locales, des services déconcentrés ou de la recherche, leurs voix sont pourtant insuffisamment écoutées et prises en compte dans les instances décisionnelles, les empêchant de participer pleinement à la gouvernance des ressources, des services et des territoires.

Ces mouvements ne se revendiquent pas toujours explicitement des communs, mais les récits et l’intention qu’ils portent  se rejoignent. Le mouvement des communs fait partie de ceux qui proposent d’explorer le dépassement de ce paradigme de gouvernance État-privé, en remettant les premiers concernés au cœur des mécanismes décisionnels comme condition d’une société plus juste et plus durable. Les parties prenantes de ces mouvements proposent un renouveau démocratique face à un modèle de développement qui montre ses limites.

Par modèle de “développement”, nous entendons un modèle de société considéré comme exemplaire dans les pays industrialisés. De manière caricaturale, il repose sur les valeurs de progrès, de rationalité occidentale, de contrôle de la nature, de croissance économique et d’accumulation du capital. Il s’accompagne de modèles de gouvernance fondés sur une centralisation des décisions par l’Etat, garant de l’intérêt général, et le secteur privé, garant de l’efficacité et de la rentabilité dans la mise en œuvre des décisions. Il se traduit par des modalités de gestion en maîtrise d’ouvrage publique mobilisant ou non des opérateurs privés par délégation de service public (autour de l’eau par exemple), ou encore par des schémas d’urbanisation ou de gouvernance des aires protégées décidés et gérés par la puissance publique. Une amélioration a eu lieu avec le paradigme participatif et le développement de la concertation citoyenne dans les projets de développement, mais les démarches participatives sont critiquées pour l’instrumentalisation dont elles font l’objet [1].

Ces modèles sont aujourd’hui contestés pour leur incompatibilité avec les transformations à mener pour répondre durablement et équitablement aux sécheresses, aux inondations, aux incendies et à la dégradation des milieux mis en exergue par le GIEC et de nombreuses associations écologistes.

 

[1]  Blanc-Pamard, C.; Fauroux, E. L’illusion participative. Exemples ouest-malgaches. Autrepart 2004, 31 (3), 3–19. https://doi.org/10.3917/autr.031.0003.

Une aide au développement questionnée et qui se questionne

Le défi de faire évoluer nos modèles de société se pose très clairement au secteur de la solidarité internationale, qui a contribué à sa manière à véhiculer un modèle de développement aujourd’hui contesté [1].

Pour autant, le secteur de l’aide se questionne, tant sur les trajectoires de développement promues à travers les financements octroyés, que sur les manières de les financer, de les accompagner, de se positionner vis-à-vis des acteurs concernés (Etats, collectivités, société civile…). Cette prise de conscience s’exprime notamment à travers l’objectif de développement durable n° 16 (ODD), qui cible la mise en place d’institutions exemplaires et de dispositifs de prises de décision inclusifs[2]. Elle se traduit aussi dans le développement de réflexions sur localisation de l’aide et la décolonisation, les approches orientées changement ou la participation citoyenne, censées rendre les politiques d’aide plus pertinentes au regard des réalités locales, et moins descendantes.

La solidarité internationale s’est aussi questionnée sur son impact, ses effets sur les dynamiques sociales, la santé, l’environnement. Des procédures viennent de plus en plus fréquemment conditionner l’octroi de financements à la capacité de démonstration d’impacts palpables.

Alors que Coordination Sud  a démontré à quel point les financements de la solidarité jouaient un rôle clé pour endiguer les inégalités sociales et environnementales, lutter contre les dérèglements climatiques et sauver des vies, l’aide est aujourd’hui remise en cause sur fond d’économies budgétaires et de repli sur soi. Cela pose la question du renouvellement de nos modalités de coopération internationale vers davantage de réciprocité entre territoires.

Dans un contexte d’urgence globalisée, apprendre mutuellement des pratiques de communs  qui fleurissent de part et d’autre du monde pour tester des modèles de société plus justes et plus durables, peut être l’une des manières  de  coopérer à l’échelle internationale.

En tant qu’opérateur de développement, l’approche par les communs nous ouvre  des perspectives pour nous repositionner en accompagnateurs de solidarités territoriales, au-delà des frontières “Nords-Suds”.

 

[1] Stéphanie  Leyronas  et Tamatoa Bambridge,  « Communs et développement : une approche renouvelée face aux défis mondiaux »,  Revue internationale des études du développement  [En ligne], 233 | 2018, mis en ligne le  01 mars 2018, consulté le 04 septembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/ried/13455

[2] Cible 16.6 – Mettre en place des institutions efficaces, responsables et transparentes à tous les niveaux » et « Cible 16.7 – Faire en sorte que le dynamisme, l’ouverture, la participation et la représentation à tous les niveaux caractérisent la prise de décisions », Nations unies, « 16 Paix, justice et institutions efficaces », Objectifs de développement durable [consulté le 3 mai 2022], https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/peace-justice/

Une approche par les communs dans les projets de solidarité internationale ?

 Le programme Communs et gouvernances partagées : inspirations et hypothèses

Au sein du Gret, les questionnements sur l’utilité sociale et transformatrice des projets de développement et de ceux qui les mettent en œuvre guident depuis de longues années l’évolution et l’adaptation de nos modalités d’intervention.

Sur fond d’urgences sociales et écologiques et d’évolutions du secteur de l’aide, ces réflexions ont débouché en 2019 sur la proposition d’un programme de recherche-action sur les communs : “Communs et Gouvernances partagées sur les ressources naturelles, services et territoires”.

Ce programme, financé par l’Agence Française de Développement de 2019 à 2025 mobilise les communs comme un référentiel puissant pour cibler explicitement le renforcement de la société civile, l’émancipation citoyenne et la démocratie, tout en portant un regard sur des interventions conduites dans le cadre de l’aide publique au développement, un environnement à la fois privilégié et contraint. Nous avons rejoint en ce sens des réflexions engagées par l’Agence française de développement (AFD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), tout en apportant une contribution additionnelle à l’opérationnalisation d’une approche par les communs dans le cadre de projets de développement.

Ce que nous avons formulé par “communs” s’appuie sur la conception ostromienne tout en élargissant aux nouveaux courants, avec des objets de communs pluri-formes et pluri-acteurs. Notre conception d’une “dynamique de communs” emprunte à l’éducation populaire, à l’économie sociale et solidaire et à la justice sociale et écologique. Notre démarche, en tant qu’ONG souhaitant accompagner des dynamiques de communs, est politique. A la manière de Silke Helfrich et David Bollier, nous cherchons à apprendre de la pratique, et dans la pratique. Mais à la différence des patterns, repérés scientifiquement par les auteurs comme des caractéristiques observées dans les dynamiques collectives et utiles à l’action de commoning, nous avons plutôt cherché à identifier, à partir de la carte mentale des communs, des leviers utiles à l’action pour appuyer ces mêmes communs dans le cadre de l’aide au développement. Autrement dit, le cheminement de notre apprentissage s’applique à l’approche par les communs, plutôt qu’aux communs eux-mêmes.

Nous avons construit notre conception d’une “dynamique de communs”  avec des partenaires de recherche de longue durée comme l’UMR Sense du Cirad, qui a multiplié les recherches et publications sur ce sujet depuis les années 2010 ainsi que le Comité Technique Foncier & Développement (CTFD) associé au Cirad, investi sur ce champ de recherche aussi depuis de nombreuses années. La division recherche de l’AFD a aussi publié plusieurs études sur ce champ en lien avec leurs objectifs stratégiques d’un “monde en commun” qui ont aussi été des sources d’inspiration et de débats. Un partenariat engagé sous la forme d’une thèse Cifre avec le Lereps, laboratoire de Sciences-Po Toulouse, a aussi permis des échanges critiques et constructifs. Il a notamment permis de rejoindre une communauté épistémique sur le “commoning” en Asie du Sud-Est avec des institutions de recherche comme l’IRASEC, Chulalongkorn University. Ces différents partenariats, ainsi que ceux avec le milieu associatif sur les communs en France, principalement Remix the Commons et la Coop des communs, permettent d’avoir un processus itératif autour de la conception de “communs” et de “l’approche par les communs”.

En s’inspirant des courants et des mouvements des Communs, le programme de recherche-action Communs et gouvernances partagées propose d’expérimenter et de formuler dans la pratique une approche par les communs dans le cadre de projets de développement.

Il repose sur deux hypothèses de recherche-action, formulées au démarrage du programme :

  • Une hypothèse sur la pertinence des dynamiques de communs : « des formes d’organisation sociale et de gouvernances partagées inspirées des communs, sont mieux à même d’assurer une justice sociale et écologique, en permettant une réappropriation des pouvoirs de décision et de contrôle par les citoyens au côté de la puissance publique et du secteur privé, en promouvant et entretenant des dynamiques d’action collective et d’apprentissage collectif sur les façons de fonctionner et de définir les règles à respecter. »
  • Une hypothèse sur la faisabilité d’une approche par les communs : « Il est possible de développer une approche par les communs, qui puisse être adoptée et déclinée par les acteurs de solidarité et d’aide au développement, s’ils souhaitent promouvoir de telles formes d’organisation sociale dans le cadre de leurs interventions. Mise en œuvre dans le cadre de « projets », cette approche a pour intention de promouvoir et accompagner des dynamiques d’organisations sociales et de construction de gouvernances partagées inspirées des communs autour d’enjeux partagés divers ».

Nous avons cherché à tester et valider ces hypothèses en s’appuyant sur l’expérimentation et l’apprentissage dans la pratique à partir d’une quinzaine de situations d’action en Afrique, en Asie du Sud-Est et à Haïti.

 

[1] Aubert S., Gérard F. « Approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte. Guide opérationnel ». Document technique et de recherche. CIRAD, 2020. https://publications.cirad.fr/une_notice.php?dk=599407.

[2] Aubert, Sigrid, et Aurélie Botta. Les communs. Un autre récit pour la coopération territoriale. Versailles: Ed. Quae, 2022. https://publications.cirad.fr/une_notice.php?dk=601168.

 

Une approche par les communs formulée dans la pratique

L’approche par les communs proposée ici s’est et se construit dans la pratique, dans une démarche itérative d’essai-erreur, d’expérimentation, de documentation, de mise en débat, de formulation et d’apprentissage. Cette démarche semble d’autant plus nécessaire que l’approche par les communs nous apparait au départ, en 2019, comme une sorte d’objet désirable non identifié.

Nous avons formulé l’approche par les communs en parallèle de l’expérimentation de pratiques et de postures d’accompagnement dans treize situations d’action. A Madagascar, au Sénégal, en Mauritanie, au Congo, au Laos, en Haïti, ou encore au Myanmar, les équipes du Gret mettent en œuvre des projets visant la construction de gouvernances partagées autour de ressources, services ou territoires. Par exemple, elles accompagnent les acteurs – usagers, habitants, acteurs publics – du territoire à  concilier la préservation des ressources  (nappe souterraine, forêts, bassin-versant, etc.)  et la subsistance de ces usagers vulnérables, à assurer un accès équitable et universel aux services ou aménagements de base en milieu urbain, ou encore à renforcer la transparence dans la gestion des services d’eau potable gérés par des opérateurs privés.

L’analyse des pratiques de facilitation  a nourri  la formulation de l’approche par les communs grâce à une démarche de recherche-action. Dans une diversité de situations d’action, les équipes du Gret  (chefs de projets, animateurs-facilitateurs) ont testé des méthodes et outils pour appuyer spécifiquement des mécanismes censés favoriser le faire commun :

  • un jeu de rôles pour renforcer la coopération entre pêcheurs et favoriser des règles de gestion durable des ressources  halieutiques à Madagascar ;
  • une grille d’analyse collective pour définir la gestion collective  d’aménagements urbains à Haïti,
  • un jeu de plateau  pour favoriser une compréhension partagée des interdépendances entre les zones humides urbaines de Luang Prabang (Laos) par ses habitants;
  • des outils de modalisation participative pour construire le dialogue et la confiance entre les acteurs d’un service d’eau potable en milieu rural au Sénégal;
  • des méthodes d’éducation populaire comme le théâtre-forum pour renforcer la confiance des femmes  en leur capacité à porter leurs voix
  • Et bien d’autres (voir les exemples donnés dans les rubriques suivantes !)

Si ces expérimentations d’outils, de méthodes et de pratiques de facilitation ne constituent pas à elles seules l’approche par les communs, leur documentation et leur mise en discussion entre équipes du Gret ont nourri la formulation d’une approche plus politique, plus structurante, qui ne peut se réduire aux outils et méthodes (voir chapitre « une approche par les communs« ).